Qu’elle soit surprenante, pure, douce ou intense, la lumière est source d'inspiration pour l’artiste. Dans la nature, le photographe ne la « contrôle » pas comme le fait le portraitiste dans son studio. Connaître ses différentes humeurs, ses nuances, ses fluctuations et sa complexité est donc essentiel pour profiter de chaque situation.
Observer la lumière, saisir les occasions offertes par ses diverses orientations (verticale, frontale, latérale, à contre-jour), découvrir les subtilités de ses nombreuses qualités (tamisée, franche, enveloppante, etc.), puis interpréter sa température afin d'obtenir des tons chauds ou froids, tout cela ouvre des portes fantastiques au pouvoir infini de la création!
La lumière chérie du photographe
Qu'est-ce qui motive le photographe de nature à se rendre avant l’aube sur le terrain?
Les minutes précédant le lever du jour, car elles sont empreintes de colorations parfois stupéfiantes! Ces tons chauds, ces teintes orangées émanent d'une lumière plutôt froide. Étonnant? Pas vraiment, si l'on comprend la relation entre la température de la lumière ambiante et celle du capteur de l'appareil photo, d’où l’utilisation incontournable de la balance des blancs. La température de la luminosité matinale, définie en kelvins, se situe aux alentours de 2800 K1, une température passablement froide. Cependant, si la balance des blancs (WB) de l’appareil photo, représentée par le dessin d’un soleil dans le raccourci, est réglée à 5500 K, le capteur se trouve être plus chaud (5500 K) que la température de la lumière environnante (2800 K), ce qui se traduit par cette dominante jaune orangé tant appréciée par le photographe. Attention! Si l'appareil photo est réglé en mode automatique de balance des blancs (WB A), la température du capteur, choisie par l’appareil, pourrait avoisiner la même température que celle de la lumière ambiante. Les deux températures étant semblables, une clarté blanchâtre baigne alors le « décor » dans votre image.
Lorsque le soleil s’élève au-dessus de l’horizon, ses attributs sont décuplés, exerçant un charme puissant sur le sujet éclairé. Ses rayons épousent les contours; ils transforment, modèlent et animent le sujet en mettant en relief les textures. Séduit par ce spectacle magnifique, le photographe favorise le contre-jour en plaçant l’appareil photo face à la lumière. L’orientation latérale (la lumière venant de côté) et la lumière frontale (le photographe étant dos au soleil) peuvent aussi mettre en valeur les vertus de l’astre du jour, rehaussant ainsi le sujet
Vous lever de bon matin ne vous enchante guère? Sachez que le même phénomène peut se répéter à la fin de la journée.
L'infrarouge à la rescousse de la lumière de midi!
La lumière verticale, c’est-à-dire quand le soleil est au zénith, s’affirme comme étant une lumière dure et peu attrayante. Toutefois, cette clarté intense est essentielle pour répondre aux exigences de la technique de l'infrarouge qui transforme le feuillage de certaines essences en un blanc immaculé.
Cette ambiance nécessite un travail minutieux, surtout s’il est exécuté à l’aide d’un filtre infrarouge placé devant l'objectif. Le trépied, le déclencheur souple et certains détails techniques sont obligatoires puisque les vitesses d’obturation seront très lentes, car le filtre est dense et capricieux. Un logiciel de traitement de l'image permet de modifier la photographie aux teintes rosées, en une image noir et blanc. Naît alors cette poésie entre la nature et la lumière!
Des nuages pour adoucir la lumière
Lors des journées nuageuses, la lumière tamisée célèbre la richesse des couleurs! Si la pluie précède la venue du photographe, quel bonheur pour celui-ci qu’une visite dans le sous-bois où le vert explose, le rouge s'enflamme, et le jaune illumine l'imagination! Les végétaux laissent flotter délicieusement leurs parfums suaves, titillant les narines et conviant à la contemplation. Ici, telle une boucle d'oreille, une perle d'eau pend au bout d’un pétale; là, l'eau, repoussée par les minuscules aspérités tapissant la surface des feuilles de nymphées, forme des pastilles de bonbons clairs. Ainsi, le photographe butine de fleurs en bosquets, le long des sentiers, à la découverte des beautés qu'offre cette douce lumière.
Matin brumeux, matin rempli de promesses!
La brume, semblable à une étoffe gorgée d'eau, transforme le paysage en un monde énigmatique. Parfois si dense, elle masque l'astre du jour et estompe les éléments disgracieux du décor, laissant au photographe une plus grande liberté de cadrage. Les journées printanières, annonciatrices des premières grandes chaleurs, de même que les nuits froides d’automne, sont souvent promesses de brume. Ce brouillard, ce voile ouaté, cette atmosphère empreinte de douceur suspendent le temps tout en invitant à la réflexion.
À l’instant où le soleil, de ses rayons, transperce ce vélum blanc, c'est l'apothéose! Un moment fugace, toujours impressionnant, et si prisé du photographe.
Une touche bleutée avant de rêver
La journée tire à sa fin. Le soleil ayant disparu depuis un moment, le ciel abandonne graduellement ses coloris roses teintés de pourpre. Au pied de la montagne, la surface gelée du lac retient son souffle sous une couche de neige immaculée sur laquelle j'installe la tente. Le froid mordant ralentit mes mouvements. Ce rythme m'inspire… Enfin, prendre le temps de vivre le moment présent, sans penser au futur ni au passé. Regarder autour de moi et prendre conscience de ma petitesse devant cette force de la nature qu'est cette montagne où, jadis, la forêt a souffert du feu, laissant sur son flanc des taches sombres témoignant de la présence des arbres épargnés. Écouter le profond silence, qui ajoute à l'immensité de la nature, tandis que le ciel salue le début de la nuit en s’habillant d’un bleu intense.
Cette clarté chaude et particulière est brève. La lumière ambiante est alors très chaude : 9000 K et peut-être plus! L’ajustement de la balance des blancs de l’appareil photo étant à 5500 K, le capteur, plus froid, restitue ainsi une lumière bleutée enveloppant le paysage. J’attends le moment culminant pour apporter une touche spéciale au décor. Voilà! Il est temps d’allumer la lampe sous la tente. Mon conjoint Yvan vient m’aider, après une randonnée en ski de fond. Il bouge constamment le faisceau lumineux pour uniformiser la lumière, prenant soin de ne pas toucher au tissu de façon à éviter un flou sur l'image. Je peaufine l’exposition et j’appuie sur le bouton du déclencheur souple afin d’immortaliser cette quasi-solitude. Le bleu s’assombrit, laissant place au noir de la nuit… Nous rangeons le matériel sous l’éclairage de nos lampes frontales. Le cœur est comblé, l'esprit ressourcé!
Lucie Gagnon